Féminicide à Givisez: des centaines de personnes rassemblées

Après le féminicide et l'infanticide de samedi à Givisiez, l'heure était au recueillement et aux revendications "d'urgence" mercredi à Fribourg.

Le public a déposé des fleurs en hommage aux victimes lors d'un rassemblement après le féminicide et l'infanticide de Givisiez ce mercredi 9 juillet 2025 a Fribourg. © Frapp

Au pied du théâtre Equilibre, la Grève féministe Fribourg a appelé au rassemblement, une nouvelle fois, pour dénoncer le féminicide de Givisiez et honorer la mémoire des victimes: une femme de 30 ans, mère depuis peu. Son fils âgé de 6 semaines seulement a lui aussi été tué sous les coups de couteau du père de famille. L'homme est en détention provisoire.  

A 18h ce mercredi, des centaines de participants - environ 250 selon nos estimations - ont déposé des fleurs en hommage aux deux victimes. Des pancartes violettes au sol portaient des messages de révolte: "Nous sommes le cri de celles qui n'en ont plus". Une minute de silence a été observée. 

"Il faut des moyens financiers"

"Ce sont des actes inadmissibles qui ne devraient jamais se produire. C'était nos voisins, nous ne les connaissions pas personnellement, mais nous les croisions régulièrement. Tout le quartier est véritablement abasourdi", a confié Nathalie, venue au rassemblement avec ses enfants. "C'est important de leur dire clairement que ces gestes ne doivent jamais arriver." 

Corinne s'indigne d'entendre des discours de banalisation. "Des gens parlent d'un homme qui a "pété les plombs", il ne s'agit pas de ça. Une partie de la société ne remet pas en cause les violences systémiques contre les femmes."

Yasmine, 24 ans, a témoigné devant l'assemblée sur son histoire personnelle. "Une semaine avant mes 9 ans, le 5 avril 2010, mon papa a assassiné ma maman", a confié la jeune femme. "Suite à ça, j'ai eu une enfance très difficile, ça m'a brisée." 

À ses côtés se trouve Olivier, père de trois filles: "Il faut plus d'argent pour la prévention." Marianne, qui travaille dans l'accompagnement des familles abonde: "Il faut plus de moyens financiers. On peut faire beaucoup mieux en termes de prévention."

Des mesures urgentes

Le canton de Fribourg compte déjà deux féminicides en trois mois, sur un total de 19 cas recensés en Suisse cette année. Pour le collectif Grève féministe, l'urgence n'est plus à démontrer: ses membres demandent des centres d'accueil 24h/24, une ligne téléphonique spécialisée, un observatoire des violences et une formation renforcée des professionnels du domaine pénal. 

Présenté ce printemps, le concept cantonal de lutte contre les violences domestiques promet du changement. Parmi les 37 mesures, certaines ont été définies comme urgentes: la création d'une unité de médecine des violences à l'HFR et la mise en œuvre d'une loi cantonale, inspirée d'autres cantons romands. 

"Il y a un peu de mouvement, mais finalement rien n'est effectif", regrette Camille Habets, membre de la Grève féministe Fribourg. "Cette unité spéciale à l'Hôpital n'existe pas encore. Aujourd'hui, cette femme qui vient d’être victime n’aurait même pas pu bénéficier de ce dispositif. Ça ne va pas assez vite!" Elle rappelle que la Suisse a signé en 2017 la Convention d'Istanbul, un traité international qui vise à prévenir et combattre la violence domestique.

Une augmentation alarmante

Dans le canton de Fribourg, les cas de violences domestiques ont augmenté de 27% entre 2017 et 2023, avec 666 affaires traitées en 2024 (+15% par rapport à 2023), soit environ deux interventions par jour. Les faits dénoncés ne représentent que 22% de la réalité, selon une étude nationale datant de 2011.

Les structures d'accueil sont saturées: Solidarité femmes a accueilli 111 femmes et 84 enfants, dont 79% en hébergement externe faute de place. Le centre LAVI constate une hausse de 18% des enfants exposés à la violence domestique et un doublement des cas de violences familiales. EX-pression, qui accompagne les auteurs de violence, est en surcharge avec 1661 séances en 2024. 

L'importance des mots

La Grève féministe Fribourg insiste également sur la terminologie. "Ils façonnent la perception publique de ces crimes", selon Camille Habets, pour qui l'expression "drame familial" tend à reléguer ces meurtres à la sphère privée et intime. "On milite pour que le terme "féminicide" puisse être utilisé à sa juste valeur: c'est le fruit de violences systémiques." Faute de notion juridique, l'auteur des crimes de Givisiez est pour l'heure prévenu pour meurtre, éventuellement assassinat.

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Frapp - Alexia Nichele
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